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26 janvier 2016 2 26 /01 /janvier /2016 09:19

Un atterrissage fort diplomatique, tout en douceur. A peine avait-il posé le pied, dimanche 24 janvier, sur le tarmac de l’aéroport militaire de Chandigarh (Etat du Penjab), où il a été accueilli par des danseuses traditionnelles et des géants montés sur échasses, que François Hollande a fait montre de la plus grande prudence sur ce qui constitue l’enjeu essentiel de sa visite d’Etat en Inde : le contrat portant sur la vente de 36 chasseurs Rafale. Un contrat annoncé par le premier ministre indien, Narendra Modi, lors de sa visite à Paris en avril 2015, mais qui fait, depuis cette date, l’objet de longues et complexes négociations.

Certes, celles-ci « progressent », a expliqué le chef de l’Etat. Mais « l’idée est d’avoir un accord intergouvernemental entre les deux pays, de manière à ce qu’ensuite les entreprises concernées puissent aller jusqu’au bout du processus. Donc, ici, nous allons franchir une autre étape qui va dans le sens, nous l’espérons tous, d’une acquisition par l’Inde de 36 avions Rafale, parce que l’Inde en a besoin et parce que la France a fait la démonstration que c’étaient les meilleurs avions du monde ».

François Hollande a rappelé que de cet accord politique dépendait la conclusion de la vente elle-même : « Le contrat lui-même ne peut venir qu’après l’accord intergouvernemental. »

La délégation française espère conclure lundi 25 janvier, à New Delhi, cet accord politique. « Je suis optimiste. Si on repartait d’ici sans, on retarderait d’autant » le processus, a ajouté le président un peu plus tard, en marge du CEO Forum, une rencontre entre chefs d’entreprise français et indiens.

Car c’est à à partir de là que s’ouvre « une négociation de marchand de Rafale », ironise un membre de la délégation. Parmi les points d’achoppement figurent, entre autres, le prix final ou le niveau d’équipement et de sophistication des chasseurs.

L’Inde souhaiterait que ce dernier soit du plus haut niveau, dans un contexte où l’ armée de l’air indienne fait pression sur le gouvernement pour renouveler ses escadrons pour le moins vieillissants. Quant à la négociation financière proprement dite, elle vient tout juste d’être ouverte.

« C’est un accord politique qui ouvre la possibilité de conclure les négociations commerciales. En Inde, l’Etat est très présent. S’il n’y avait pas d’accord entre gouvernements, il n’y aurait pas d’accord entre industries », a rappelé le ministre des finances, Michel Sapin, qui accompagne le chef de l’Etat avec Laurent Fabius, Ségolène Royal et Fleur Pellerin.

Acteur majeur de la négociation et grand VRP de l’industrie de l’armement française, le ministre de la défense, Jean-Yves Le Drian, qui s’est déjà rendu plusieurs fois en Inde, est bien sûr du voyage, le président lui ayant même demandé de rester jusqu’à la fin du voyage, mardi, alors qu’il avait prévu de partir plus tôt.

M. Hollande compte sur M. Le Drian pour avancer dans les méandres d’un système politique, militaire et bureaucratique où règne, selon un responsable français sur place, « la dictature du coup de tampon ».

Un haut responsable de la défense résume : « Avec les Indiens, les négociations sont toujours extrêmement complexes. L’appareil d’Etat est assez cloisonné. Quand tu as un accord d’une branche du gouvernement, cela ne veut pas dire que tu as l’accord de toutes les branches. Le processus est extrêmement complexe et lent. Il n’y a aucune anomalie, mais on est face à un gouvernement qui consulte ministre après ministre et où chaque administration réinstruit tout à la base. »

D’où cette conclusion : « La visite est en partie à suspense. On ne saura que sur place concrètement, exactement ce qui sera signé et dans quelle étape de la négociation du contrat on se situe », poursuit cette source selon laquelle « le premier ministre Modi est le décisionnaire final ».

Dans ce « deal » réside l’essentiel du « partenariat stratégique » tant vanté par Paris. « Nous sommes concernés par des crises régionales et aussi par le terrorisme. Nos deux pays ont été frappés. Nous allons ensemble intensifier encore nos échanges,participer à une coopération entre les services, agir pour renforcer nos équipements militaires », a expliqué M. Hollande.

Le président est l’invité de la grande parade militaire sur l’avenue Raj Path, mardi à New Delhi, où défileront pour la première fois des militaires étrangers, le 35e régiment d’infanterie, qui vient de participer à des manœuvres conjointes de contre-terrorisme au Rajasthan, avec l’armée indienne.

(par David Revault d'Allones, envoyé spécial du "Le Monde", à Chandigarh ,en Inde)

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